Transmettre une émotion, possible ou pas ?
Certains spécialistes vous diront qu’il est tout à fait possible de faire naître l’empathie chez autrui, tandis que d’autres peuvent avancer des arguments démontrant que c’est mission impossible. Mais avant de savoir si oui ou non, l’empathie s’enseigne chez un enfant, il serait intéressant de définir cette notion.
Définition : empathie
Le dictionnaire définit l’empathie comme la faculté intuitive de se mettre à la place d’autrui, de percevoir ce qu’il ressent.
L’empathie est donc un sentiment. Elle est difficile à définir et à expliquer, et même un peu méconnue parce qu’elle est souvent confondue avec la sympathie ou la compassion. En guise de définition, je pense que l’on peut retenir : « L’empathie est le mécanisme par lequel un individu peut comprendre les sentiments et les émotions d’une autre personne, voire dans un sens plus général, ses états mentaux non émotionnels comme ses croyances. »
Donc l’empathie n’emporte pas de justification ni de jugement sur les actions des autres, mais simplement la capacité à se mettre à la place de l’autre et à imaginer les choses du point de vue de l’autre. Pas facile quand on a quatre ou cinq ans de vie sur terre ! Mais finalement, à mieux y regarder, ce n’est pas facile non plus quand on est adulte. Une maman peut-elle seulement imaginer la perte d’un enfant ? Ou un papa peut-il imaginer les douleurs de l’accouchement ? Une grand-mère peut-elle imaginer la joie ou le bonheur d’un enfant en découvrant un paysage magique ?
On peut alors dire que l’empathie est le premier pas vers une compréhension du : pourquoi l’autre agit-il d’une manière différente à la mienne dans une situation similaire ? Il s’agit de jauger l’autre non plus selon le prisme de sa propre vision du monde, mais selon la sienne, ou du moins celle de la connaissance du fait que sa vision du monde peut être différente. Waouh ! pas évident. Si déjà, nous, en tant qu’adultes, on doit relire cette phrase plusieurs fois pour bien la comprendre, alors les enfants…
Transmettre une notion, transmettre une émotion
Partons du principe que l’empathie n’est ni innée ni acquise. C’est un état. Et le premier état qu’on connaît, c’est la relation que l’on connaît avec la mère ou le père, la personne qui nous aime et qui prend soin de nous. Le développement de l’enfant intègre donc la notion d’amour, en plus de toutes les autres, qu’elles soient innées ou acquises lors du développement lui-même.
La neuroscience a fait des progrès dans le domaine de l’empathie. Aujourd’hui avec la découverte des « neurones miroirs » par deux chercheurs italiens, Giacomo Rizzolatti et Vittorio Gallese, on en sait un peu plus sur le mécanisme de l’empathie dans le cerveau humain. En observant le cerveau de singes, ces scientifiques se sont aperçus que ces neurones s’activaient quand le singe réalisait une action, mais aussi quand il en voyait un autre réaliser cette même action. Le neurone qui s’active quand nous levons la main va s’activer quand une autre personne va lever la main, mais pas quand elle va lever le pied. Un système très proche semble exister du côté des émotions humaines : une partie du cerveau est active aussi bien lorsqu’on éprouve du dégoût que lorsqu’on voit quelqu’un en exprimer. Une interprétation suggérée par les chercheurs est que ce système nous permet de simuler l’état émotionnel d’autrui dans notre cerveau et donc de mieux comprendre les émotions des autres. Ils joueraient donc un rôle essentiel dans l’empathie.
Le fait de posséder cette capacité neuronale tend à nous dire qu’il est donc possible de transmettre une émotion, un sentiment, de l’empathie. Un enfant pourrait donc apprendre à se mettre à la place d’un autre et à agir dans un sens positif pour l’aider ou partager son sentiment.
Intégrer la notion d’empathie dans l’enseignement
De nombreux professionnels de la petite enfance et de l’enfance se sont posé la question : s’il est possible de transmettre l’empathie, comment peut-on faire ?
Comme cette faculté, cette capacité est déjà en nous à la naissance, il est possible de la développer. L’empathie devient alors un apprentissage à part entière. C’est un travail de fond qui peut commencer par une expérience simple. Dans un programme visant à enseigner l’empathie aux enfants, aux États-Unis, un professeur a demandé à des parents d’apporter un bébé dans la classe. Les enfants avaient pour consignes d’observer les parents ainsi que le bébé.
Le professeur leur a ensuite posé des questions :
– que font les parents pour s’occuper du bébé quand il est réveillé ?
– pourquoi le bébé s’est-il mis à pleurer ?
– comment a-t-on fait pour qu’il se calme ?
– etc.
Toutes ces questions ont conduit les enfants vers leurs propres réflexions et interprétations de la situation, par rapport à leur savoir et leur vécu. Le professeur a ensuite transposé cette situation avec un enfant de la classe. Un camarade d’une autre classe pleurait. Les enfants ont alors observé, mais rapidement, plusieurs d’entre eux se sont aussi mis à pleurer et d’autres ont essayé de les consoler. Nous réagissons tous de manière différente, mais le premier pas est de réagir.
Aider les enfants à prendre conscience de leurs émotions, de leurs sentiments leur permet de comprendre la réaction ou les expressions des autres enfants. Une étude a montré que l’on pouvait réduire de 50 % le niveau de violence entre les enfants en s’efforçant de transmettre l’empathie avec de petits exercices réguliers. Ces enseignements se transforment, lorsque l’enfant grandit, en marqueurs sociaux. L’enfant entre alors dans la compréhension émotionnelle, car il prit conscience d’un état, même s’il ne peut pas l’expliquer.
Peut-on enseigner l’empathie ?
La réponse est non. On ne peut pas enseigner l’empathie comme on transmet un savoir (mathématiques, français, etc.). En revanche, on peut éveiller les enfants (et les adultes) à l’empathie qu’ils portent déjà en eux, et la cultiver avec des exercices simples et ciblés. Respecter le moment d’observation des enfants et leur montrer, par exemple, une réaction possible est bien plus formateur que d’enseigner des théories neuronales. Nous réagissons chacun avec nos armes.
Il est donc logique que l’on ne puisse pas obtenir de l’empathie chez une personne qui n’a jamais été sensibilisée à ses propres émotions, qui ne comprend pas forcément ce qu’il ressent ou qui ne l’accepte pas.
Sur ce billet un peu technique et philosophique, je vous propose d’aller profiter du temps avec vos enfants, de jouer avec eux et de bondir haut vers le ciel !
Saint-Eustache